Le JSH, le plus ancien journal horloger suisse, fondé en 1876, revendique depuis sa relance en 2019, une indépendance journalistique rare. Seul média au monde à refuser les publicités « produit » des marques de montre, il s’attaquait sans crainte à Baume, une marque du Groupe Richemont lancée à grands renforts de fracas médiatique. Relire cet article.
Joël A. Grandjean, rédacteur en chef JSH Magazine & Swiss-Watch-Passport.ch
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Préférer le custom made au swiss made? Autrefois les marques souffraient du syndrome de l’Oyster et rêvaient de ressembler à Rolex–Tudor. Aujourd’hui, leur référence semble être devenue Daniel Wellington. Cherchez l’erreur!
Avis aux fournisseurs des berceaux historiques de l’horlogerie suisse ! A commencer par les plus de 700 PME présentes à l’EPHJ et actives dans l’horlogerie. Cette petite sœur de Baume & Mercier a décidé de se passer de vous. Assemblage aux Pays-Bas, ce qui a au moins l’honnêteté de laisser supposer qu’une part importante de la fabrication a été sous-traitée en Chine, mouvements non suisses revendiqués, à savoir des Miyota made in Japan pour les mécaniques.
Sauver les animaux, se passer des humains?
Respecter les animaux et la planète c’est bien, respecter le travail fait en Suisse c’est mieux. Les espèces menacées, au monde de la sous-traitance horlogère sont nombreuses. Baume n’entend pas ou peu faire appel au riche tissu de la cotraitance de son pays de domicile, mais elle soutiendra – à hauteur de 2% de ses ventes en fait – les associations actives dans le nettoyage des océans infestés de plastique. C’est noble. Et les médias, y compris spécialisés, ont gobé sa communication rondement menée. Ils ont encensé une nouvelle signature fashion dont la Directrice Marie Chassot annonçait :
Nous n’utilisons aucun matériau précieux ou celui issu des animaux

Les composants inutilisés sont recyclés ou employés à nouveau. Nos bracelets de montres interchangeables sont fabriqués à partir de tissus naturels ou recyclés tels que le liège, le coton, le lin, l’alcantara et le PET recyclé. (..) Enfin, nous utilisons uniquement du papier et du carton certifiés FSC».
Non-suissitude revendiquée
A ma connaissance, aucun média n’a relevé que la ligne rouge venait d’être franchie, celle de revendiquer sans complexe une production Custom Made qui permet de louvoyer avec les appellations d’origine et de faire la nique au swiss made. Côté calibres, rien à dire. Les Miyota mécaniques sont issus d’une maîtrise industrielle japonaise qui n’en finit pas de s’améliorer. Quant aux quartz, leur lieu de provenance n’est pas indiqué, à savoir s’il s’agit des Ronda fabriqués en Suisse et vendus moins de CHF 5.00 à leur sortie d’usine, ou de ceux vendus environ CHF 1.80, fabriqués en Thaïlande dans une usine également propriété de cette société suisse.
Les espèces menacées au monde de la cotraitance horlogère sont nombreuses»
Bref, depuis plusieurs centaines d’années, pour une multitude de raisons, l’horlogerie mondiale est suisse. Et tandis que certains affutent leurs outils industriels en territoire helvétique afin de participer à une conquête des segments inférieurs, ces monstrueux volumes des montres en-dessous de CHF 1’000.00, d’autres décident sciemment et en l’annonçant du haut de leur force économique de groupe.
L’avis de JSH: Histoire bafouée, Mercier à la limite, mais en tous cas pas Baume
Tandis que le Swatch Group parvient au miracle industriel certes chimico-physique d’une Swatch mécanique à moins de CHF 200.00 (Sistem51), tandis qu’il donne les moyens à Tissot de produire un chronographe mécanique swiss made à moins de CHF 300.00, la marque Baume rêve d’un configurateur aux infinies possibilités (plus de 2’000 modèles), d’une vente directe au consommateur et d’interchangeabilité de bracelet. La Compagnie Financière Richemont SA, dans une léthargie généralisée, crée ce qui aurait pu être perçu comme un scandale.
Car s’il fallait oser s’aventurer sur ce terrain, ce qui commercialement, dans un contexte de guerre économique et de dividendes d’actionnaires peut se comprendre – qui peut en effet rester insensible aux volumes de Fossil ou de Festina (une marque historique suisse produite ailleurs) – fallait-il se réclamer de la si riche histoire des Baume? De cette famille qui, depuis Les Bois dans le Jura, mit le monde et le Royaume d’Angleterre à ses pieds avec ses premiers comptoirs, ses victoires aux concours de chronométrie et ses tourbillons?
Si au moins le Groupe de Bellevue-sur-Genève-en-Suisse, s’était réclamé, dans son errance, de Monsieur Mercier. Car Paul Tchereditchenko, tel était son nom, était un homme raffiné, enthousiaste, un créateur et homme d’affaires à qui la marque Baume & Mercier doit ses plus belles heures féminines et design. Le fashion made, c’était son génie. Ceci dit, ce brillant esthète suisse aux vécus cosmopolites et aux origines russes aurait certainement plaidé avec plus de ferveur encore que ses concitoyens d’alors, pour qu’une horlogerie liée à son nom restât à jamais suisse.
Les temps changent
Tandis que nos pères fondateurs se retournent dans leur tombe, votre serviteur se réveille d’un mauvais rêve. Et attend avec impatience vos réactions à ce débat lancé, à cette opinion tranchée.