Coutumier des punchlines verbales, tout de cuir emblousonné, il remet les pendules à l’heure et se fait le porte-parole du Swiss Made. Depuis la tribune du Grand Prix d’Horlogerie de Genève où il vient de recevoir l’«Aiguille d’Or», la distinction suprême, il «balance la sauce.»
Joël A. Grandjean, Rédacteur en chef de JSH® Magazine & Swiss Watch Passport
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Etait-il préparé? Toujours est-il que ce coup de gueule du CEO d’Audemars Piguet en faveur des fournisseurs et du Swiss Made a marqué les esprits. Au GPHG 2019, filmé avec mon portable et publié sur la page Facebook de JSH 1876, THE discours de la soirée a été vu plusieurs milliers de fois et met encore du baume au coeur des cotraitants.
Moment d’émotion, de sponanéité
C’était avant la crise pandémique, nous étions collés les uns aux autres dans une salle bondée. Pourtant, ce sont ces mots qui ont réchauffé le coeur des quelques participants anonymes, discrets, agissant dans l’ombre des marques sans jamais leur voler une once de lumière ou de brillance, à savoir les cotraitants de proximité. L’âme du terroir de l’horlogerie suisse. Voici ses mots prononcés sur la scène du Théâtre du Léman, moments retranscrits:
Les gens qui me connaissent bien savent bien que je ne peux pas passer un truc comme ça sans avoir un mini coup de gueule. C’est obligé! Et mon coup de gueule, il va sortir maintenant
« Il y a des gens qu’on ne peut pas récompenser ici ce soir parce qu’il n’y a pas de prix pour eux. Et on ne pourrait pas, c’est compliqué. C’est les fournisseurs. Les fournisseurs, on ne peut rien faire sans eux. On parle, et tout le monde l’a évoqué ce soir, de Manufactures, on est tous en train de produire nos belles choses, de manière le plus souvent indépendante, mais le problème n’est pas là. Sans les fournisseurs, l’horlogerie n’est absolument rien. Moi je suis Français, je ne suis pas Suisse. Mais ça fait maintenant 25 ans, 25 ans que j’ai fêté cette année chez AP. J’ai pris cette fierté, cette fierté de la marque, cette fierté du territoire, cette fierté du savoir-faire, de l’intelligence, du sublime. »
Et quand j’entends que certaines personnes commencent à aller regarder comment produire dans d’autres parties du monde, pour de temps en temps aller gratter, je dis bien gratter, 10, 20 au 30 francs sur une pièce, j’ai envie de hurler
« Si des marques se permettent de faire ça, vous tuerez l’horlogerie, parce que aujourd’hui l’horlogerie est un espèce de croisement un peu particulier.
Oui alors c’est vrai ça va pas fantastiquement bien à droite et à gauche, mais il y a une jeunesse qui débarque, de l’ordre de 15 à 20 ans, qui est en train de débarquer dans l’horlogerie, comme clients, comme cliente, et qui est en train de dire «c’est extraordinaire, on ne savait même pas ce que c’était. Il y a du savoir-faire, il y a du talent et on a envie d’en savoir plus.» Les réseaux sociaux vont vraiment ouvrir ces portes.
Et on a un devoir de préserver un savoir-faire qui est absolument unique dans ce pays et on ne le fera que si on continue à soutenir les fournisseurs. Même si de temps en temps on ne peut pas gagner 10 au 20 francs supplémentaires, et qu’on doit affecter un prix public, l’émotion n’a jamais de prix.
Donc ça, ce sera le coup de gueule pour notre profession, on a encore des tas de belles choses à faire tous ensemble! La dernière chose, c’est pour ma patronne… «Jasmine, 19 ans, on y est enfin»!