Atypique! Sa matière première, c’est l’humain. Il la respecte, la détecte, la transplante et la transforme. Il la bonifie tel un de ces bons vins dont il avait, dans sa première vie, la charge noble de servir. Rencontre.
Joël A. Grandjean, rédacteur en chef JSH Magazine & Swiss-Watch-Passport.ch
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Depuis le 1er janvier 2017, il est à la direction de l’une des manufactures les plus secrètes de l’arc horloger suisse romand. S’il n’avait écouté son cœur et son épouse pour s’implanter dans les contrées où il sévit aujourd’hui, il serait peut-être resté ce garçon de café bourré de rêves, de curiosités et de sens des autres.
Transplanté talentueux
Ce diplômé de l’école hôtelière troque sa toque et s’essaie donc à d’autres domaines. Hasard, son chemin croise la trajectoire déterminée de Patrick Brandelet. Il le rejoint dès 1994, démarre au plus modeste barreau de l’échelle et gravit peu à peu les échelons.
Il se retrouve soudain dans le fauteuil directorial, non pas avec le costard qui va avec, mais avec la bouteille d’une personnalité qui saura donner sa chance à l’âme déterminée, d’où qu’elle vienne. Interview sans gants. Du parler vrai, exempt de langue de bois. Hélas, sa discrétion l’empêche de faire une quelconque allusion à ses client prestigieux.
De garçon de café à directeur, êtes-vous à ce point un ambitieux?
Pour savoir où tu vas, il faut savoir d’où tu viens. Je suis fier d’avoir été garçon de café. C’est un métier où l’on côtoie toutes les classes sociales et où on doit savoir se mettre au niveau de la personne en face. Où on a la chance parfois de servir des artistes. C’est une bonne école! Le management, c’est savoir se mettre à la hauteur de celui qui est en face de nous.
Êtes-vous de ces patrons qui savent aussi mettre les mains dans le cambouis?
J’ai commencé comme rouleur, par le roulage. Puis j’ai été dans le département traitement et finitions, avec les traitements thermiques. Enfin, j’ai rejoint la logistique. J’ai appris à l’interne. En 2006, nous étions 15 personnes. La restauration, c’est le contact humain, cela m’a appris à aimer gérer les personnes. L’humain est très important dans le management et lors des entretiens d’embauches, c’est une force de Joray & Wyss, je m’attache aux qualités humaines de la personne. J’ai pu ainsi engager des ressources, parfois avec un peu plus de diplômes, mais surtout des collaborateurs qui peuvent amener une plus-value à ceux qui sont là.
Finalement, Joray & Wyss a-t-elle inventé la roue en horlogerie?
La roue, c’est un concentré de savoir-faire. C’est très important de la faire précise, Et ce besoin de précision se retrouve aussi dans le pignon. Chez Joray & Wyss,nous pouvons compter sur l’un des meilleurs savoir-faire du marché. Nous étions une poignée de «disciples» autour de Monsieur Tschanz qui nous a vendu la société familiale et qui est resté plus de 15 ans avec nous. Il a continué, il nous a transmis son savoir. Nous avons gardé les vieilles machines que nous avons modernisées dans un premier temps avant d’amener une plus-value dans les process. Notre force, c’est d’avoir su conserver les fondamentaux.
Quels sont les secrets de fabrication que vous pouvez révéler?
On fait le trou de la roue en dernier. On ne taille pas sur une tige. Grâce à ce procédé, nous offrons à nos clients une concentricité très, très précise. D’autre part, chez nous, ça passe aussi par l’outillage et par notre capacité de précision dans les réglages. Nous disposons d’une «bibliothèque» de 250 étampes cumulant plus de 1000 perçages interchangeables.
Et ceux que vous ne pouvez pas révéler?
La signature Joray & Wyss, c’est comme en cuisine où les recettes appartiennent au Chef et à sa brigade. Prenons le polissage, c’est de la cuisine! S’il devait y avoir des secrets de fabrication, c’est dans ces valeurs ajoutées que nous pouvons donner à l’usinage. Et le polissage est un secret soigneusement gardé. Puis, il y a le secret de la répétabilité, du goût de l’aspect, de la rigueur. Il y a surtout cette grande confiance que l’on nous fait et qui ne doit pas être déçue, même lorsqu’il s’agit de logistique.
De la roue aux rouages, il n’y a qu’un pas…
Savoir assembler deux composants est un atout pour réaliser un mobile de plus de 8-10 composants. On peut compter sur les 11 métiers et techniques maîtrisés à l’interne auxquels s’ajoute la fabrication de l’outillage qui est au service de tous les départements. Il s’agit de notre atelier mécanique, une ressource indispensable à la réussite et à la qualité. C’est du vertical, du transversal, et les problématiques remontent et descendent…. C’est surtout énormément de travail d’équipe
pour arriver à un résultat.
On peut compter sur les 11 métiers et techniques maîtrisés à l’interne»
OK, mais les grandes marques qui sont parfois vos clientes savent aussi le faire dans leurs Manufactures?
Certes, elles peuvent aussi faire des rouages elles-mêmes, mais peu ont la capacité de réaliser des volumes importants. Et pour les plus petites séries, il nous arrive fréquemment de livrer des ébauches déjà percées qui seront terminées à l’interne