Tombée sur les ondes de la radio nationale suisse presque par inadvertance, la nouvelle a fait son effet: Jean-Claude Biver, invité pour parler d’un tout autre sujet, s’ouvre au passage sur la naissance de sa marque éponyme. Joli coup. Sauf que…
Par Joël A. Grandjean Editeur & Rédacteur en chef de JSH® Magazine & Swiss Watch Passport
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Invité dans l’émission « Médialogues » pour parler du phénomène de la notoriété, Jean-Claude Biver balance sur les antennes de La 1ère de la RTS, à la plus grande surprise du journaliste-producteur Antoine Droux qui le reçoit, une petite bombe médiatique: ça y est sa nouvelle marque est sur les rail, elle s’appellera « JC Biver », sera confidentielle dans un premier temps. Et de confesser qu’il est même allé l’après-midi en question, visiter un éventuel futur local.
Entre deux dissertations sur son rapport avec les médias – c’est le but premier de l’émission qui a retrouvé l’une de ses premières interviews du temps de Blancpain – l’ancien grand patron des montres LVMH se livre à une définition de ce que sera cette signature éponyme, avant tout dédiée à la « transmission du savoir ». Une marque qui prend aussi des allures de leg patrimonial pour sa descendance.
Marque déposée illégalement?*
Premier réflexe, afin de vérifier la spontanéité du propos, je me rue sur le site de l’IPI (l’Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle) afin de m’assurer de la date du dépôt. Il est daté du 11 février 2022, jour de l’émission. Rien à redire, difficile d’être plus spontané! Sauf que le déposant, nouveau propriétaire de la marque qui restera pendante le temps d’une durée légale permettant d’exprimer une éventuelle opposition, n’est autre qu’un avocat genevois, Maître Raphaël Zouzout, partenaire d’un cabinet en vue, membre du barreau de Genève. Rien d’étonnant jusque là qu’un homme de loi endosse, dans l’urgence, le titre de propriété d’une marque, en attendant que celle-ci devienne pérenne. Contacté, Jean-Claude Biver m’informe qu’il n’est pas à l’origine de la démarche et que son Conseil, celui qu’il vient réellement de mandater, interviendra pour défendre ses droits.
Lire aussi l’article de Fanny Noghero paru dans le quotidien le temps du 17 février 2022.
Un professionnel de la propriété intellectuelle m’informe que le déposant usurpateur (qui, à l’heure de ces lignes, n’a pas répondu à mes questions) ne risque pas grand chose. Tout au plus une procédure de « droit au nom » ou de « dépôt de mauvaise foi » à laquelle il pourra toujours répondre, tout en cédant la marque à Jean-Claude Biver, qu’il avait ce faisant l’intention de le protéger. Après tout, une manière quelque peu cavalière, mais pourquoi pas efficace, de rentrer en contact avec un grand capitaine de l’horlogerie. Une figure qui, puisque les passions n’arrivent jamais vraiment à prendre leur retraite, n’a pas dit son dernier mot.
Retraité? La fonction peut prendre sa retraite, pas la passion
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Commentaires: le coup d’avance
Tandis que de nombreux candidats à l’entreprise horlogère lancent leurs kickstarters et s’échinent à faire des business plans, le retraité Jean-Claude Biver, prix Gaïa en 2011, monnaye de manière magistrale sa notoriété. Au nez et à la barbe des auditeurs, et de l’animateur qui n’y voit que du feu, il est en fait en train d’illustrer par l’acte le sujet de l’émission dans laquelle il est invité.
Car lorsqu’il dévoile qu’il n’a rien encore décidé quant au calibre, quant à la forme de la future montre JC Biver, le maestro s’expose de facto à économiser un temps fou. Or le temps c’est de l’argent. Et du temps, il en gagnera une fortune tant il est certain qu’il s’apprête à faire face à une avalanche de propositions: locaux disponibles, inventions et systèmes en cours d’aboutissement, complications inédites, matériaux nouveaux… Il n’aura qu’à écouter, trier, choisir.
Par cette annonce abrupte – même si le milieu se doutait qu’il ne resterait pas longtemps en place – Jean-Claude Biver révèle une fois de plus ses talents de serial marketeur. Il s’offre en temps réel, une consultation générale et rapide de tout ce qui pourrait avoir de la valeur dans l’horlogerie à venir.
{*} Entre cet article rédigé le vendredi 11 février 2022 et publié le matin du 14, le registre online de l’IPI s’est enrichi de trois nouveaux dépôts, cette fois bien initiés par Jean-Claude Biver et son mandataire en propriété intellectuelle, la société IP Bench Inc.
Visualiser le dépôt illégitime.
Télécharger les dépôts officiels, les marques 2022 N° 02073, 02077, 02076