Rescapée d’un trajet à la déchetterie, au milieu de milliers d’autres petites feuilles appartenant à une somme d’archives fascinantes, j’ai survécu à la Foire de Bâle, le plus important salon horloger du monde pendant 100 ans! Mon année à moi, c’est 1976. Mon contenu? La Neprosolar, une des toutes premières montres solaires.
Story Textuelle: Joël A. Grandjean, rédacteur en chef JSH Magazine & Swiss-Watch-Passport.ch
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Je sommeille aujourd’hui dans un immeuble-bureau de Neuchâtel, dans un quartier qui fut jadis celui de la mythique chocolaterie Suchard. Les locaux sont ceux d’Origyn, une Fondation dont l’un des buts est de créer le « Shazam » de la montre. C’est donc pour nourrir leurs algorithmes et leur IA que mon propriétaire m’a momentanément installée ici, au milieu d’autres documents regroupant toute l’histoire des nouveautés horlogères entre 1969 et 2000.
La Neprosolar en 1976, déjà un Ovni horloger
En fait, je suis un communiqué de presse de l’année 1976, distribué aux journalistes en visite à Bâle: une simple page sur laquelle un véritable tirage photo noir-blanc a été collé. En-dessous, un petit texte dactylographié en français, repris en allemande puis en anglais. J’ai été rédigé pour décrire une montre révolutionnaire, la Neprosolar. Imaginée par le Dr. Paolo Spadini, fondateur de la marque Nepro, elle a été l’une des toutes premières montres solaires. La période était plutôt perturbée puisque l’arrivée du mouvement quartz servi par le Japon en gros volumes industriels, avait amputé la branche horlogère suisse de plusieurs dizaines de milliers d’emplois.
Paolo Spadini faisait partie des résistants, des inventifs qui, par leurs innovations et leur audace, offraient au secteur quelques sursauts de « wow effect » et de désidérabilité. La marque était réputée aussi pour ses réveils miniatures, certains en forme de transistors, offrant leurs micro-membranes de haut-parleur à l’émission et l’amplification d’alarmes sonores.

Le fils Spadini me redonne vie
Soudain, un matin de 2005, soit carrément 50 ans après ma première sortie, un certain Daniele Spanini a débarqué. Il avait minutieusement organisé mes retrouvailles! Pour lui, on avait farfouillé dans des piles et des piles de feuillets oubliés et enfouis. Jusqu’à ce qu’on me retrouve, pimpante, comme neuve…
À aucun moment, je n’ai été froissée: on m’a juste dupliquée pour m’agrandir, on m’a offert un faisceau de lumière, un bain de jouvence. J’ai alors appris qu’il était le fils de Paolo, qu’il dirigeait Alatron, une omniprésente mais discrète maison d’horlogerie à La Chaux-de-Fonds. Discrète car au service des marques, dont les plus prestigieuses, pour leur fabriquer des horloges murales, parfois à partir des fichiers originaux. De ces grandes montres identiques aux modèles existants, que l’on trouve dans les Manufactures, chez les détaillants du monde, parfois même chez les collectionneurs.
Retour vers le futur, face à face intemporel
Une fois à l’air libre, j’ai eu le choc de ma vie: en face de moi, un sosie, une montre identique, toute neuve. De mon temps, pouvait-on seulement imaginer le concept de clone? Réalisée avec les techniques actuelles, son mouvement électronique, sa cellule photovoltaïque ainsi que son affichage à filaments rouges ont tous été recréés, améliorés. Dynamic Motion de la Chaux-de-Fonds, une entreprise réputée pour sa maîtrise des technologies électroniques les plus avancées et son sens des développements sur-mesure semble avoir réussi l’impossible. Faire exploser mes performances, ma durée de vie, mes performances rechargeables.

L’histoire est simple. Daniele Spadini, motivé et boosté par son bras droit Franck Neveu, a décidé d’honorer son papa Paolo, encore en vie à l’heure de la conception du modèle 2025. Il est parti depuis rejoindre les étoiles. Il a eu l’occasion de me contre-signer, d’ajouter sa griffe à mon passé…
Neprosolar 2025, l’incroyable buzz
Honnêtement, cintrante ans après qu’ont m’ait traitée d’Ovni horloger, je n’aurais jamais imaginé pouvoir plaire encore.
2025 est en train de s’amouracher de moi, de mes formes, de mon esthétique et même de mes angles volontairement défiants
Après coup, on peut affirmer que mon design était rupturiste, témoin d’une époque où la crise ambiante confinait à la survie et aux sursauts créatifs.

Un premier groupe de collectionneurs, tous des fidèles de Bamford à Londres, ont mis le feu aux poudres. Ils ont initié mon grand retour. Désormais, la maison Alatron me relance, en direct, depuis un site internet dédié. Je n’en reviens pas: on se retourne sur mon passage, on dit que je suis dans le trend. Jeunes et quinquas m’adoubent, geeks et Next Gen’ me sifflent…
Je n’ai pas une ride, j’appartiens au règne supérieur du vintage et de l’intemporel. Je me multiplie, je suis à vendre… Bref, je revis!