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Interview Tekitoi: Manuel Emch, CEO Louis Erard

Temps de lecture : 6 minutes
Manuel Emch, CEO Louis Erard, et Amandine

Je m’appelle Amandine et j’ai maintenant 13 ans. Passionnée par l’horlogerie depuis l’âge de 7 ans, quand on me demande quel est le métier que je veux faire, je réponds «horlogère-designer chez Bulgari.» En attendant, j’interviewe des personnalités du secteur… et aujourd’hui c’est le tour de Manuel Emch, le CEO qui a relancé Louis Erard grâce à plusieurs collabs très remarquées.

Par Amandine, la plus jeune chroniqueuse du Swiss Watch Paspport
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Qui êtes-vous au bureau?

Quand je suis au bureau, je suis un peu l’animateur de notre entreprise horlogère. Celui qui s’efforce à diriger les équipes avec passion et beaucoup de créativité. Surtout celui qui leur transmet une vision claire de la marque. Mais je ne suis pas très souvent au bureau. Je voyage énormément pour le développement des marques pour lesquelles je travaille, ce qui m’amène à ne pas être très souvent en Suisse.

Et dans la vraie vie?

Un passionné! Amateur d’horlogerie passionné, collectionneur de montres, mais aussi d’art contemporain. Un nomade aussi, qui adore voyager, découvrir, être constamment en mouvement.

Comment êtes-vous tombé dans l’horlogerie?

Un peu par filiation, si je peux dire. Je suis né dans une ville qui s’appelle Granges, en Suisse allemande, et qui est l’épicentre de la production des mouvements mécaniques horlogers puisque c’est le siège d’ETA. Mais pas seulement, il y a aussi pas mal de sociétés horlogères comme Breitling ou Eterna qui ont eu ou qui ont encore leur siège à Granges. Et puis il y a ma famille, mon grand-père, mon oncle et ma mère travaillaient dans l’industrie horlogère. Je suis donc un peu tombé dans la marmite. Et je me suis très vite passionné. Mon grand-père m’a donné ma première montre à l’âge de neuf ou dix ans. Et depuis lors, j’ai toujours été fasciné par l’art et la précision de l’horlogerie.

Quel souvenir avez-vous justement de votre première montre?

Un souvenir est assez clair: c’était à Noël, 1982 ou 1983. C’était les débuts de Swatch et mon grand-père nous avait offert parmi les toutes premières Swatch sorties de production. Je me souviens que j’étais très fier de cette montre.

1er modèle Swatch de 1983, la GB101 à quartz
1er modèle Swatch de 1983, la GB101 à quartz

Et quelle montre a aujourd’hui le plus de valeur sentimentale à vos yeux?

Il y en a plusieurs. Parce que finalement, tout au long de ma carrière, j’ai eu la chance de pouvoir créer, développer pas loin de 1000 montres. J’ai perdu le compte depuis longtemps. Un jour, je vais quand-même devoir calculer, mais tout ce que je peux dire c’est qu’il y en a eu beaucoup. Peut-être plutôt entre 500 et 1000! Il y en a bien sûr qui ont été plus importantes que d’autres. Je pense notamment à la Grande Seconde qui aura été la première montre que j’ai développée et dessinée pour Jaquet Droz. C’est devenu la base de la philosophie produit de la marque qui perdure encore aujourd’hui. Et puis il y a aussi eu cet automate Jaquet Droz, la Machine à Écrire le Temps. Un incroyable projet sur lequel j’ai travaillé plus de quatre ans et que je voulais comme l’interprétation contemporaine des automates de Pierre Jaquet-Droz du 18ᵉ. Une machine mécanique avec des systèmes de cames qui finalement, d’une manière très poétique, vous donnait le temps. En appuyant sur un bouton, tout un système de cames et de roues se mettait en marche pour venir «palper» le temps et l’écrire sur un bout de papier. Donc, quelque part, donner le temps.

La "Machine à écrire le temps" de Jaquet Droz, un projet fou pour réinventer la manière de donner l'heure.
La "Machine à écrire le temps" de Jaquet Droz, un projet fou pour réinventer la manière de donner l'heure.

Et encore?

Il y a eu chez Romain Jérôme toutes ces collaborations autour des jeux vidéo, avec Batman, Super Mario et Pokémon. Aujourd’hui, c’est devenu courant mais à l’époque ça ne l’était pas encore. Autant d’histoires, d’expériences. Plein de sentiments. Il y a aussi eu la fameuse Eyjafjallajökull, du nom de ce volcan islandais qui avait fait un méga buzz à l’époque. Et peut-être plus récemment, pour revenir à Louis Erard, la première collaboration avec Alain Silberstein qui a vraiment été le point de départ de cette nouvelle stratégie que j’ai mise en place pour la marque. Ou celle, plus récente, avec Konstantin Chaykin qui est non seulement un horloger extrêmement talentueux, mais qui est aussi devenu un ami.

Est-ce que vous faites des montres pour les jeunes?

Bien sûr. Je dirais même absolument! C’est important, notamment avec Louis Erard. Ça fait d’ailleurs partie de notre stratégie, de notre philosophie, que d’offrir un accès à la haute horlogerie à un public plus jeune. Avec des montres mécaniques extrêmement bien faites, de grande qualité avec un beau design, riches de savoir-faire en termes de métiers d’art, mais qui restent toujours accessibles. D’ailleurs, je suis fier de pouvoir dire qu’on a un public extrêmement jeune, souvent de moins de 20 ans, qui s’intéresse à Louis Erard, qui commence à collectionner des Louis Erard. Nous leur offrons quelque chose de complètement différent.

Régulateur Excellence Louis Erard x Alain Silberstein
Régulateur Excellence Louis Erard x Alain Silberstein
Régulateur Time Eater Louis Erard x Konstantin Chaykin
Régulateur Time Eater Louis Erard x Konstantin Chaykin

Que diriez-vous à un jeune de moins de quinze ans pour qu’il s’intéresse à l’horlogerie mécanique plutôt qu’à son Apple Watch?

Selon moi, l’horlogerie mécanique est avant tout une véritable œuvre d’art. La montre est un objet qui offre une connexion avec l’histoire, la tradition et la précision. Ce n’est pas un simple accessoire. C’est avant tout une expression de l’artisanat, du temps qui passe. Et c’est passionnant de pouvoir collectionner les montres.

La montre est un objet qui offre une connexion avec l’histoire, la tradition et la précision. Ce n’est pas un simple accessoire.

Présentée lors des Geneva Watch Days 2023, la régulateur issu de la collaboration entre Louis Erard et William Massena
Présentée lors des Geneva Watch Days 2023, la régulateur issu de la collaboration entre Louis Erard et William Massena

Quels sont les atouts de votre marque pour séduire?

Je crois que Louis Erard se distingue avant tout par sa proposition de valeur, son design innovant, surprenant parfois, et son engagement vers la qualité. Des montres qui sont déjà très recherchées. Nous sommes l’une des rares marques qui produit non seulement des montres extrêmement intéressantes, mais en plus des montres qui vont aux ventes aux enchères, avec un véritable second marché. Donc des objets extrêmement collectionnables. Il est primordial d’offrir aux jeunes cet accès au monde de l’horlogerie mécanique de collection, mais aussi de les rassurer par rapport à leur investissement avec une proposition de valeur hors pair.

Profil Instagram de Manuel Emch
Profil Instagram de Manuel Emch
Page Instagram Louis Erard
Page Instagram Louis Erard

On parle beaucoup de durabilité. Qu’est-ce que cela signifie pour vous?

Il y a deux dimensions à la durabilité. La montre est intrinsèquement durable puisqu’elle est l’un des rares objets fait pour perdurer dans le temps. Une montre mécanique, c’est transmissible, c’est réparable. C’est fait pour durer. Ça s’exprime à travers la création de montres de qualité qui résisteront à l’épreuve du temps, tant au niveau de la mécanique qu’à celui du design. Mais il faut aussi faire attention à la manière dont on produit ces montres. On a changé beaucoup de choses en interne, au niveau de l’organisation, pour minimiser notre impact environnemental dans la manière de produire. Localement, en Suisse, mais aussi dans la manière dont les gens travaillent à l’intérieur de la société.

 

Êtes-vous plutôt TikTok, Instagram ou LinkedIn?

Je suis principalement sur Instagram et c’est aussi, bien sûr, sur Instagram que Louis Erard partage sa passion et ses informations avec la communauté des amateurs de montres. Mais j’utilise aussi LinkedIn parce que c’est un outil relativement important pour mon travail. Quant à TikTok, je n’ai jamais eu le courage de m’y mettre, alors je n’y suis pas.

Quels conseils me donneriez-vous pour vivre ma passion et travailler dans l’horlogerie?

Je pense avant tout qu’une passion doit être suivie avec détermination. Il faut apprendre constamment, entretenir des relations avec les experts de l’industrie, comme tu le fais très bien. Il faut aussi, selon ma propre expérience, être prêt à beaucoup travailler, travailler dur, pour être en mesure de réaliser ses rêves horlogers.

Un message ou quelque chose à ajouter?

Vous me donnez l’occasion idéale pour remercier tous nos fidèles clients et amateurs de montres pour leur soutien continu. L’horlogerie est aventure passionnante que nous sommes bien sûr heureux de partager avec eux, avec vos followers et avec tous les passionnés d’horlogerie dans le monde.

On fait un selfie pour mon album?
Avec plaisir, on fait ça où? Dehors sur les marches? Viens, il y aura plus de lumière…

Merci beaucoup. Est-ce que vous auriez une question à me poser?

le Selfie #Tekitoi, Amandine et Manuel Emch
le Selfie #Tekitoi, Amandine et Manuel Emch

L’intervieweuse interviewée…

(M.E.) Finalement, même si tu es encore très jeune, tu as déjà vu et vécu beaucoup de choses, discuté avec beaucoup de gens et peut-être que tu as eu l’occasion de donner tes conseils à d’autres jeunes qui comme toi aspirent à se lancer dans l’industrie horlogère. Je serais curieux d’en savoir un peu plus sur ton expérience?

(Amandine) J’ai beaucoup de chance de pouvoir vivre tout ça à mon âge. Au début, j’essayais d’éviter que mes amis soient au courant de ma passion pour l’horlogerie, pour ne pas qu’ils me voient différemment. Aujourd’hui, c’est différent. Il y en a de plus en plus qui connaissent ma seconde vie et du coup on parle de montres de temps en temps. J’ai l’impression que certaines copines s’intéressent plus aux montres depuis que je leur en ai parlé. Mais c’est loin d’être notre principal sujet de discussion de toute façon!

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