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Interview Tekitoi: Vladimir Zennaro, CEO de Bergeon

Temps de lecture : 5 minutes

Je m’appelle Amandine, j’ai 12 ans. Passionnée par l’horlogerie depuis l’âge de 7 ans, quand on me demande quel est le métier que je veux faire, je réponds «horlogère-designer chez Bulgari.» En attendant, j’interview des personnalités du secteur.

Par Amandine, la plus jeune chroniqueuse du Swiss Watch Paspport
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Qui êtes-vous au bureau?

Je suis le directeur de la société Bergeon, je m’appelle Vladimir Zennaro, un prénom d’origine italienne je précise.

Et à la maison, qui êtes-vous?

Je suis toujours le même Vladimir Zennaro. Je ne change pas vraiment mon fusil d’épaule. Je suis un papa et un grand-papa heureux.

Comment êtes-vous tombé dans l’industrie horlogère?

Par le plus grand des hasards! Ça remonte à quelques décennies déjà et je suis arrivé dans l’entreprise Bergeon sans avoir aucune idée de ce qu’était le monde de l’horlogerie. Je cherchais un challenge dans une fonction liée à l’approvisionnement, les achats et la vente. Une opportunité s’est présentée à moi et je suis entré dans l’entreprise où je suis depuis 37 ans.

Quel souvenir avez-vous de votre première montre?

C’est une très bonne question et tu vois, sans savoir que tu allais me la poser aujourd’hui, j’y ai repensé il n’y a pas si longtemps. J’avais un de mes oncles qui travaillait dans une grosse société d’un groupe horloger suisse et il avait comme habitude d’offrir des montres à ses enfants. À l’âge de six ou sept ans, je lui avais dit que j’étais un peu déçu qu’il ne m’en avait jamais offerte une et il est arrivé à Noël avec une magnifique montre. Je ne suis plus certain de la marque mais, étonnamment, ça devait être un modèle LIP. Pour ceux qui connaissent, LIP c’est très vieux et je ne sais pas ce qu’est devenue cette montre malheureusement. J’en étais très fier et je l’ai portée pendant des années à l’école et tout le monde se demandait d’où j’avais eu cette montre. Après j’en ai eu d’autres et je ne sais pas où est passée cette toute première.

Que représentent les montres pour vous?

Ça représente un savoir-faire exceptionnel, compliqué, intéressant, volatile. Et en même temps qui nourrit pas mal d’ambition chez tout le monde. Posséder une montre n’était pas forcément gagné d’avance mais on s’aperçoit aujourd’hui que l’intérêt pour les montres, toutes générations confondues, n’a absolument pas diminué. Ça représente quelque chose d’assez particulier dans l’objet qu’on peut convoiter, qu’on peut s’offrir dans une vie.

Vous êtes CEO de Bergeon qui fabrique de l’outillage pour les montres. Pouvez-vous me présenter cette maison en quelques mots?

Quelques mots ça ne suffira pas. Plaisanterie mise à part, on est une PME d’une soixantaine de collaborateurs qui a vécu la transition entre une entreprise très familiale du début, il y a plus de deux siècles, qui s’est transformée petit à petit en entreprise plus régionale puis internationale (il y a cent ans, on vendait déjà à travers le monde). Et elle a développé cette organisation autour de la distribution internationale jusqu’à sa reconversion, il y a une dizaine d’années, d’une entreprise commerciale avant tout en une entreprise qui produit et réalise ses propres projets. C’est un changement qui a mené une entreprise à vocation artisanale à une entreprise industrielle.

Pourquoi devrais-je acheter un outil Bergeon plutôt qu’un autre outil? Asiatique par exemple?

Ça peut paraître anecdotique mais en gros, dans l’absolu, un outil asiatique quel qu’il soit ressemblera à un outil Bergeon. Donc à priori, si je n’ai pas de raison absolue, je peux acheter un produit asiatique. Ce que l’on constate néanmoins depuis très longtemps, c’est que dans la durée d’efficacité l’outil d’Asie va se détruire un peu plus rapidement, voire beaucoup plus rapidement. Et l’outil qu’on manufacture chez nous, parce qu’on a aussi une tradition de l’utilisation de l’outil, nous permet d’avoir des objets qui sont très durables, sans aucune obsolescence programmée contrairement aux appareils électroniques par exemple. La proximité de l’entreprise par rapport au milieu de l’horlogerie fait aussi que les produits que nous développons et réalisons sont animés de l’esprit horloger. Donc on est en adéquation avec le produit fini. Ce qui donne aussi à l’utilisateur de nos outils la conviction que quand il achète un produit suisse, et si possible Bergeon dans l’absolu, il a acheté une petite partie du monde de l’horlogerie.

J’ai vu que Bergeon s’était également engagé dans la medtech, pourquoi cela?

Parce qu’il y a une proximité en termes de précision, de microtechnique au sens très large du terme. Mais il faut bien qu’on comprenne la différence entre produire des objets qui vont dans le corps humain, qu’il s’agisse de seringues, d’implants ou de prothèses et produire des outils qui permettront de fabriquer ces objets. Notre vocation n’est évidemment pas d’être lié aux produits qui vont dans le corps humain mais plutôt d’être le partenaire des sociétés qui produisent ces objets. En prenant par exemple nos outils qui permettent de mesurer le serrage d’une vis, on peut comprendre l’importance d’avoir le contrôle dans certains aspects de la médecine, quand on doit assurer la résistance d’une vis dans un objet, dans un bras, sur un os. Cette vocation d’être microtechnique au service de beaucoup de métiers, dont les medtech, nous a parue assez opportune. Donc on est en train de franchir quelques étapes et des certifications auprès de certains clients qui sont, eux, directement actifs dans la médecine.

Bergeon est très actif sur les réseaux sociaux. Êtes-vous plutôt TikTok, LinkedIn ou Instagram?

Vladimir Zennaro: "LinkedIn est quelque chose d’extrêmement important pour nous parce que c’est un réseau professionnel qui nous permet de communiquer sur les valeurs de l’entreprise, sur ses développements ainsi que sur les collaborateurs."

Instagram, dans l’absolu, pour des publications extrêmement éphémères. On le fait et on a aujourd’hui quelqu’un qui s’en charge dans l’entreprise. On va jouer avec les objets et mettre en évidence certaines particularités. LinkedIn (ndlr, voir la photo légendée). TikTok j’avoue que pour l’instant pas du tout. Ça viendra peut-être, on verra bien si on est poussé à utiliser ce réseau également.

Puisque la jeunesse et la formation semblent importants à vos yeux, quels seraient vos conseils pour un jeune qui comme moi s’intéresse à l’horlogerie?

Conseils de Vladimir Zennaro

Mon premier point serait déjà de dire que c’est une bonne idée. Les métiers de la technique sont des métiers compliqués à acquérir, probablement plus compliqués que les métiers de l’informatique dont je parle en toute connaissance de cause puisque j’ai deux enfants qui sont informaticiens et qui ont créé leur propre entreprise. Mais ce sont des cas particuliers. L’informatique, on la comprend aujourd’hui quand on a trois-quatre ans. Je parlais tout à l’heure de ma petite fille qui manipule un smartphone à quatre ans au même titre que moi qui en ai soixante-deux de plus.

Par contre, la technique va nécessiter un vrai investissement personnel qui n’est pas inné. Ça demande parfois de la volonté, ça demande de passer sur certains aspects qui sont parfois un peu rébarbatifs, mais je pense que ça fait partie des plus beaux métiers. Dans le sens où la qualité du produit fini est tangible. Quand on fabrique un outil horloger, ça se voit. Quand on fabrique une montre, ça se voit. Quand on fait de l’informatique, on fait de l’éphémère qui ne se voit pas, même si je ne remets absolument pas en question l’importance que ça revêt au quotidien, notamment dans l’utilisation que l’on en fait pour la créativité. Mais les métiers de la technique sont extrêmement précieux car ils nécessitent un vrai engagement dès le début.

Alors mon conseil pour quelqu’un qui s’oriente vers ces métiers, c’est tout d’abord d’être curieux, très curieux, un peu comme toi… et d’être présent, voire un peu impertinent. Oser poser les questions qui dérangent parfois et surtout d’aller chercher l’information auprès des gens qui connaissent leur métier et qui sauront l’expliquer simplement de A à Z, sans être trop didactiques. Je crois que c’est aussi le bon moyen de vaincre certains aprioris, des préjugés sur le fait que, par exemple, la mécanique c’est sale… et ben non ça n’est pas sale! Aujourd’hui c’est plus des ateliers sombres, c’est plus des ateliers bruyants (enfin un petit peu quand même mais beaucoup moins que dans le passé), c’est plus des ateliers où il y a de la crasse partout.

Tu as visité tout à l’heure, je ne dis pas qu’on peut manger par terre mais presque

Ce qui veut donc dire qu’il y a une prise de conscience de la part des sociétés qui veulent mettre à disposition de la nouvelle génération des conditions de travail et des équipements de qualité, avec des machines qui coutent très cher (plusieurs centaines de milliers de francs, voire des millions) et qui impliquent donc une vraie responsabilité des mécaniciens. Donc le courage nécessaire à dire «Je veux faire de la technique» est quelque chose de magnifique que je soutiens pleinement. D’ailleurs notre entreprise est extrêmement orientée sur la formation.

 

On fait un selfie pour mon album?

Avec plaisir!

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