Comme moi, petit rondin de bois millénaire, elle rêve de voir la mer. Elle m’a ouvert son coeur et son cadran, dans les profondeurs douçâtres des fonds subaquatiques du plus grand lac de Suisse. Cette plongeuse rêve de sel et d’océans…

Story Textuelle: Joël A. Grandjean, rédacteur en chef JSH Magazine & Swiss-Watch-Passport.ch
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Elle, c’est Arinis, une toute nouvelle montre de plongée de la marque historique Elka Watch Co. Elle doit son nom à l’ancienne appellation de Saint-Blaise, une zone des bords de ce lac dans lequel je sommeille depuis des millénaires.

Amours civilisationnelles

Oui, je suis un de ces pics en bois plantés dans l’histoire civilisationnelle de la région. Elle, elle était au bras de Fabien Langenegger, un chercheur plongeur habitué des lieux. Sa luminescence, aussi dans les tons de vert, m’a fait de l’oeil. Il paraît qu’à l’air libre, ses index sont ou blanc ou vert Radium.

C’est clair, comme elle et malgré ma densité épaisse de bout de bois planté dans le fond du lac, je rêve de voir la mer!

D’ailleurs, sa limite d’étanchéité de 200 mètres (656 pieds, 20 atmosphères) est de bon augure puisqu’il paraît que la profondeur maximale du Lac de Neuchâtel n’est que de 152 mètres. Et lorsqu’elle la mesure, un délicieux cliquetis se dégage de sa lunette crantée unidirectionnelle à 120 positions, traversée d’index luminescents en céramique. Un ballet cinétique dont les ralentis ajoutent en séduction.

Des formes et du style

J’avoue, elle est superbement bien proportionnée, avec ses rondeurs d’un diamètre de 41 mm ou de 46,50 mm corne-à-corne. J’ai même entendu battre son coeur, via son calibre Elka à masse oscillante, un La Joux-Perret G100 vibrant à 28’800 alternances par heure, soit 4 hertz, doté d’un stop seconde et d’une réserve de marche de 68 heures. Habillée avec élégance, il paraît qu’elle a des soeurs qui arborent des cadrans de teintes différentes, du noir mat ou du dégradé de bleus. Des frangines montées sur d’autres versions de bracelets, comme ces mailles vénitiennes ou cet acier si caractéristique des montres de bonne facture d’une classe certaine.

Finalement, rien que l’évocation du mot « Tropic », qui désigne un genre de bracelet mythique dont les ouvertures en losanges rappellent les épopées subaquatiques de l’histoire horlogère, est une incitation à aller faire trempette sous d’autres latitudes.

Fille d’un designer inspiré

Lorsqu’elle est passée près de moi la dernière fois, je me suis surpris à admirer sa carrure en acier horloger 1.4404, le bombé de son incroyable verre saphir en forme de dôme type « box chevé« , l’élégance de son design inspiré par son concepteur, un pro du produit dont le pedigree regorge de pièces de légende. Elle lui doit tout. Il s’appelle Hakim El Kadiri et a passé une partie de sa vie à s’accoutumer à son surnom Elka. Oui, la même orthographe que celle de cette marque qu’Arinis porte sur son cadran et qui signifie Eduard Louis Kiek d’Amsterdam. C’était les initiales d’un détaillant des Pays-Bas qui, dès 1877, s’était mis à faire fabriquer ses montres à La Chaux-de-Fonds, une ville bien tristement privée de lac, mais réputée pour la profondeur de ses savoir-faire artisanaux ou industriels.

Inavouables rêves: air libre et sels marins

J’ai honte, mais il m’arrive de rêver qu’Arinis se détachera du poignet de Fabien Langenegger, et qu’elle se laissera doucement couler dans mes alentours. Qu’elle laissera au passage s’échapper les gracieux poissons qui sont gravés sur son fond. Je sais, c’est égoïste, puisque cela hypothéquerait à jamais son rêve de voir la mer. D’autres rondins alentours, certainement jaloux de notre indéniable connivence ou coincés d’avoir été coupés pour égayer les vitrines du musée du Laténium juste au-dessus, ne se sont pas gênés de me le rappeler: cette plongeuse est promise à l’air libre et aux sommets de l’élégance universelle.

Au fond, c’est à dire là où je me trouve depuis plusieurs millénaires, je ne suis pas que de bois. Comme ces 22 villages palafittes de la région des Trois-Lacs qui croupissent dans ces zones historiques et que les chercheurs ne cessent d’explorer, j’ai une âme! Un jour moi aussi, je m’envolerai pour le soleil. Et là, je remuerai ciel et terre pour revoir Arinis. Ce sera bien plus loin que Saint-Blaise ou qu’Amsterdam…