Bon ramadan à nos amis musulmans dans le monde, du 1er avril au 1er mai. Au fait, pour quelle raison la date est-elle différente chaque année? Jean-Marc Wiederrecht, maestro ès complications horlogères, explore les temps perpétuels. Article extrait du JSH Magazine.
Joël A. Grandjean, rédacteur en chef JSH Magazine & Swiss-Watch-Passport.ch
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Cet article paru dans le journal suisse d’horlogerie JSH apporte la réponse à la question du Ramadan qui, chaque année, tombe à des dates différentes. Surtout, sous l’angle des complications horlogères liées aux quantièmes perpétuels, il y est question de magie, de mathématiques et de civilisations lointaines. En fait, si le calendrier grégorien offre l’avantage d’être répandu sur la planète pour des raisons liées à la marche des affaires, il est loin de correspondre aux autres cultures qui ont su jongler entre le calendrier universel et son pendant cultuel.
Voyage dans un monde cosmopolite
Jean-Marc Wiederrecht, horloger de l’impossible, nous embarque dans une galaxie de civilisations qui ont adopté le calendrier grégorien tout en gardant leur propre almanach lié à des spécificités cultuelles. Il avait déjà, sous sa société Agenhor qu’il vient de remettre à ses deux enfants, Nicolas et Laurent, tutoyé les complications poétiques issues de sa maîtrise pionnière des complexités de la fonction rétrograde.
Lorsqu’une montre suisse se vend dans le monde, c’est au nom d’une heure communément admise. Et lorsqu’elle affiche des fonctions calendaires additionnelles, elle parvient à un degré particulièrement poussé de complexité. On parle dès lors de calendrier perpétuel et de complication-mère, dès lors que des horlogers sont capables de concevoir un mécanisme micromécanique comprenant un composant qui fait un tour en 4 ans de manière à pouvoir commander l’avance du 29 février des années bissextiles, sans avoir à effectuer de réglage manuel. Et si l’on va encore plus loin dans la tempérance des ajustements et des rattrapages imposés par l’irrégularité de marche de notre planète, on parle de calendrier séculaire.
Chez Agenhor, cette complication fait bien sûr partie des maitrises qui participent à sa réputation ainsi qu’à l’aura de son horloger fondateur, Jean-Marc Wiederrecht. Ce dernier est détenteur depuis 2017 d’un «Nobel de l’Horlogerie», à savoir du prix Gaïa. Cet abonné aux awards horlogers vient de passer le flambeau à ses deux fils Nicolas et Laurent. Preuve que les Wiederrecht ne sont pas uniquement connus pour avoir enfanté l’AgenGraphe, une réinvention inspirée du Chronographe, ou pour avoir dompté, souvent pour Hermès, les mémoires mécaniques de calibres volontairement mis en pause. Les voici qui s’attaquent à l’une des conjugaisons les plus érudites de la comptabilité horaire, les calendriers perpétuels des autres cultures perse, arabe, indienne… Quant aux calendriers japonais et hébraïque, ils se révèleront bientôt, au sortir des recherches encore en cours..
Calendrier hégirien, casse-tête et première mondiale
Au menu de ces joutes mathématico-temporelles, il y a bien sûr cette autre logique pourtant basée sur la même observation des astres, la comptabilité horaire selon le calendrier hégirien ou islamique. Selon Wikipedia, «c’est un calendrier lunaire synodique non solaire, fondé sur une année de 12 mois lunaires de 29 à 30 jours chacun.» Une année hégirienne compte 354 ou 355 jours. Elle est donc plus courte que l’année solaire d’environ 11 jours. On comprend mieux pourquoi le mois du ramadan ne tombe jamais à la même période ! Ce mois sacré pour les 1,6 milliard de musulmans, avance chaque année de dix jours. Le ramadan, étymologiquement signifie avoir un goût de braise dans la bouche. Et pour cause, au début de la révélation coranique à la Mecque, le ramadan se déroulait systématiquement durant la période des fortes chaleurs, en août. Ce n’est que des années plus tard, que le calendrier lunaire fut adopté.
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Voyages au bout du temps en voie modulaire
Le plus stimulant dans cette quête de précision qui dépasse le cadre des mathématiques pures, c’est qu’elle offre aux horlogers et aux maîtres du temps d’Agenhor des dépaysements d’une richesse stimulante. Là où cultuel et culturel se marient. Et Jean-Marc Wiederrecht, face à l’appel du large et aux défis des énigmes micromécaniques encore irrésolues, semble repousser les frontières de sa retraite. Jusqu’à toiser, avec ses deux fils, l’ultime complication, celle de maîtriser un jour un calendrier perpétuel chinois, sans l’aide, comme cela existe déjà, d’une application online qui dicte à l’utilisateur les environ 70 ajustements qu’il doit lui-même effectuer en douze ans sur sa montre.
A ce jour, ce défi n’a jamais été résolu puisque, éprise des cycles lunaires et des saisons, la civilisation chinoise repose sur des années de douze cycles lunaires avec ajout, tous les deux à trois ans, d’un mois supplémentaire. Afin de permettre une synchronisation avec le cycle solaire. Du coup, une année chinoise peut varier entre 353 et 385 jours. Agenhor n’en dira pas plus.
Bien que capable de réaliser un calibre à quantième perpétuel intégré, Agenhor a pour l’instant opté pour la voie moduaire. Le motoriste est à même de greffer une telle complication sur n’importe quel calibre de base. Et d’écrire ainsi quelques pages encore inexplorées d’une horlogerie suisse qui part à la rencontre de cultures lointaines, magiques, profondes.