Avec la récente opération Moonswatch, Nick Hayek s’offre une réussite « coup double » tout en apportant le premier dans l’horlogerie une solution pour « récupérer » les recettes faramineuses qui ne cessaient de lui échapper. Je m’explique…
Joël A. Grandjean, rédacteur en chef et éditeur JSH® Magazine & Swiss Watch Passport
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En horlogerie, les temps d’attentes frisent l’insupportable. Une poignée de marques, dont de plus en plus d’indépendants, doit faire face à une demande plus importante que les quantités livrables ou fabricables. Ou simplement doit opter pour une politique de ‘freinage’ qui consiste à empêcher qu’un modèle phare prenne le pouvoir sur la marque toute entière et sur ses autres références.
Le prix de l’impatience, le coût de la convoitise
Or qui dit temps d’attente et allongement des délais de livraison dit « financement de l’impatience« . Puisque les plus fortunés, au détriment des vrais passionnés, sont prêts à mettre le prix pour ne pas avoir à faire la queue. Ainsi, n’est-il pas rare de voir une montre recherchée sortir de la boutique à son prix catalogue et prendre immédiatement, à peine un pied dehors, le triple de sa valeur, voire même bien plus. Ce phénomène génère des sommes folles! Et il faut avouer que cet argent « inflationniste » échappe totalement aux marques, celles qui ont pourtant fait tout le boulot (conception, fabrication, promotion, iconisation..) En effet, ce sont d’autres acteurs qui se remplissent les poches, dont notamment les grandes maisons de ventes aux enchères horlogères, ou encore, les pros de pre-owned market…
il faut avouer que cet argent « inflationniste » échappe totalement aux marques, celles qui ont pourtant fait tout le boulot
A cette « injustice », dont les effets peuvent à long terme s’avérer néfastes pour l’image des marques concernées, s’ajoute un fait nouveau que JSH Magazine avait mis en lumière dans son dossier « marché » de juin 2021. Signé par l’expert Thierry Huron, maître ès enquêtes statistiques et analyses de tendances, l’article verbalisait pour la première fois une réalité du marché d’aujourd’hui, à savoir que
la principale concurrente de la montre suisse neuve est désormais la montre suisse déjà portée ou revendue à peine achetée.
Sauf que, dans ce cas, ce n’est plus la marque, propriétaire du nom du modèle et de son histoire, à l’origine de tous les investissements et gardienne de sa production, qui bénéficie de ces colossaux flux financiers nouveaux. Ce sont des acteurs dont les sièges se trouvent la plupart du temps hors de la Suisse, dont les emplois et la richesse se sert du Swiss Made sans lui reverser un quelconque tribut.
L’ampleur du phénomène a éclipsé la réponse totalement inédite de Nick Hayek
En réalisant son opération disruptive, le « fils de » a conquis sa place dans l’Histoire. Car, hormis les coulées mondiales d’encre médiatique qu’il vient de s’offrir et qui s’ajoutent aux succès économiques inespérés réalisés par deux des marques de son groupe, il parvient à instaurer une première mondiale en horlogerie: celle de rediriger à son profit la « valeur de l’attente ». Celle de faire revenir dans les tiroirs caisses de son groupe des montagnes de cash qui étaient promises à l’enrichissement d’autres acteurs.
Nick Hayek entre dans l’histoire: il parvient à instaurer une première mondiale: rediriger à son profit la « plus-value de l’attente »
Cette manière de redonner une vigueur revigorante à ce Swiss Made que certains maussades ne cessent d’ébrécher, consacre surtout l’instauration d’une solution qui ne se laisse plus faire: enfin de l’argent qui cesse un instant de profiter aux spéculateurs de saison, les « profiteurs du temps d’attente », pour revenir à la case départ. Revenir là où tout a commencé, tout a été fait. Là où quelques horlogers et entrepreneurs d’antan s’employaient à conquérir le monde et l’espace.
La fameuse Omega Speedmaster Moonwatch dont la première apparition remonte à 1957 sous le nom de code de CK 2915 alias “Broad Arrow”, rentre au bercail, les poches légitimement remplies du fruit de son héritage… Elle entraine en son sillage, juste retour des choses, sa petite soeur en plastique, celle-là même qui, quelques années plus tôt, lui avait sauvé la vie…
PS_ cerise sur le gâteau, l’opération Moonswatch qui, ô hasard d’un calendrier intelligent, est survnue la semaine avant le coup d’envoi des salons horlogers de mars-avril 2022 (voir notre liste d’exposants), n’aura jamais déplacé autant de monde dans les boutiques Swatch et Omega du monde. Et ce à l’heure ou la vente en présentiel semblait avoir du plomb dans l’aile!